Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2021

55.

IMG_0325.jpgC’est toujours un pari osé que d’aller présenter ses chansons à un auditoire, fût-il étymologiquement sympathique. C’en est un autre de le faire dans le froid de novembre, qui cristallise, même un vendredi soir, les bonnes raisons de ne pas se déplacer. Les mauvaises, je les laisse à leurs propriétaires : je préfère ne pas y penser, je pourrais être vexant. Hier, dans ce lieu atypique et déterminé jazz, il s’est joué beaucoup plus qu’une dizaine de chansons et quelques extraits de textes: cela faisait plus de cinq ans qu’Eric Hostettler et moi ne nous étions pas revus, pas loin de dix depuis le dernier Littérature & Musique, avec Gérard et Clara Védèche. Quinze ans qu’Eric et moi faisons des chansons, sur un mode frénétique, jadis, plus apaisé, depuis. C’était cette fraternité que, sur une invitation de Zaza, la patronne du Zanzi-bar, je voulais montrer sur scène. Ce que j’ai fait, devant moins de monde que ce que j’espérais, ce qui est toujours compliqué, parce qu’il faut lutter, dès les premières minutes, contre la déception, ne pas la laisser envahir le lieu. Le mieux c’est de sourire d’entrée, avec un extrait de Trois-Huit, la première scène de Pôle-Emploi. D’enchaîner avec Ton Égide et Vanité des vanités pour que les spectateurs s’imprègnent du jeu d’Eric, de sa voix et de sa présence. Je sais d’expérience que ce qui se passe entre nous se ressent dans la salle, et on n’a pas besoin de forcer. On est deux quinquagénaires qui avons survécu à beaucoup de choses, et déplacé quelques montagnes. Un dixième du public me dira que c’est beaucoup plus impressionnant en live que sur disque, qu’il a quelque chose de springsteenien, et ça me renvoie à la Maison vieille, il y a des années. On est bien, aussi, au Zanzi-bar, dans l’intimité, le lieu est chaleureux, les culottes suspendues semblent nous dire: ne vous occupez pas de nous. Le set était prévu en deux temps, on enchaîne, je vire l’extrait de Ouessant et l’Eclaircie, trop tristes, on essaie de donner, non, on donne tout, suivant le théorème de Mégevette: on joue pour dix personnes comme on le ferait pour cent, ou plus. Ce qu’on ne savait pas encore, c’est que Comme dans une chanson de Springsteen, justement, emporterait le morceau, que j’y mettrais ma (deuxième) voix, et qu’il y aurait un alter, désinhibé, qu’on rejouerait, comme les grands, une dizaine de morceaux, un improbable Alex & Marjo, que l’Abandon serait jouée trois fois, qu’on chanterait les Retrouvailles de Graeme Allwright et que d’un coup, le Zanzi-bar était plein, rempli d’amour et de bien-être. Les livres, les disques, hier, étaient gratuits, l’argent transformé en verres, et l’after de l’after… compliqué, gentiment. Mais Zaza était contente, son lieu avait agi, encore: Chocolat, la petite Suisse et Lolo la daurade s’en sont emparé, et le lui ont bien rendu, je crois. Parfois, écrivais-je en rentrant (tard), des soirées que tu estimais ratées - à dix fois moins de personnes que tu envisageais - s’avèrent beaucoup plus réussies que tu l’aurais jamais espéré. C’est bien. Et Fuck the else. Anything else. 

Photo: Léon Bateau

12:47 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.