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22/02/2021

313.

Ana avait accepté de rentrer la première dans les explications, puisqu'elle l’avait suivi, Esteban. Elle a commencé par la soirée chez « la Anselma », elle en gardait les odeurs ambrées et le parfum des verres de Jerez que Raquel et elle avaient multipliés pour aller trouver les musiciens après le concert. Raquel et son joueur de cajón s’étaient quittés au petit matin pour ne plus jamais se revoir sans que aucun des deux n’en souffre ; Esteban, lui, avait raccompagné Ana chez son amie et l’avait laissée sur le perron en lui demandant s’il pouvait la revoir. Ce qu’ils firent le lendemain, puis le jour d’après, celui d’après encore… Elle ne dit pas aux autres, Ana, que c’était parce qu’il l’avait laissée  qu’elle en était tombée  folle ; c’est peut-être pour ce qu’on ne fait pas qu’on est doublement aimé. La part de l’inconnu est multipliée, quand les codes sont inversés et les objectifs envisagés autrement que dans l’immédiat. Une grande partie du discours amoureux est projetée dans un avenir qui n’aura pas de corps, pensai-je en l’écoutant : pour Ana, c’est le présent, en dehors de son anachronisme. Sous l’effet de l’émotion, les amoureux appellent ça une évidence, sans savoir qu’ils en galvaudent le sens. Pour Ana, dont les rêves d’enfant avaient été anéantis, ce n’était pas une bonne fée  qui se penchait sur un berceau qui, de toute manière, en avait déjà été largement pourvu : c’était vraiment une évidence, la réalisation sous ses yeux de ce que sa vie allait pouvoir être.

Extrait de "Charlotte Sometimes", inédit destiné à le rester.

05:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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