Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/08/2020

Ce monde n'est pas le mien.

A partir d’un moment, il faut tout essayer, jusqu’à la duplicité la plus complète : écouter en boucle des hymnes nihilistes et adolescents, s’essayer à un absolutisme plus fréquenté depuis des décennies, mesurer ce qui nous en a séparé, les lâchetés, les concessions, les abandons les plus multiples. Endosser la faute, psychanalytique, la difficulté d’être dépassé. Ecoper la souffrance qui vient de toute part et affecte les autres rapports, sociaux, familiaux. À quelques jours d’un anniversaire – de deuil – que je refuse de fêter, reconnaître que tout est dit, que les pertes sont parfois bien vivantes, assumées, et pas de notre fait. Ne pas savoir, non plus, quelles seront les étapes, prochaines, si le silence prendra fin. L’effet miroir est permanent, et l’art du portrait, que je ressortirai du placard dans quelques mois, n’est pas sans incidences.

« Tu vois, parfois j’ai l’impression que je peins pour me venger, de ne pas avoir été assez aimé de ne pas être reconnu comme j’estime devoir l’être. Je me venge des échecs que j’ai moi-même construits par auto-destruction. Mépris de soi réactivé, tu te souviens de la chanson ? C’est comme avec les femmes, je vais m’éloigner de celles qui m’ont aimé justement parce que j’ai peur qu’elles aiment un autre en moi, celui que je ne suis pas. On a suffisamment dit de moi que j’étais un séducteur pour ne pas me reconnaître dans ce portrait-là : comme si j’avais besoin, jusqu’à la fin, de me chercher. Il y a un brin de paranoia, là-dessous, parce que je reste au centre d’un univers que ceux qui me voient pensent être le mien, mais qui m’échappe, que je ne m’approprie pas. Toi, j’ai l’impression que tu écris par damnation : pas la tienne, non, celle de ceux qui t’inspirent. Si tant est qu’ils se reconnaissent dans l’exercice, ils n’y échapperont pas. Ni le temps, ni l’idée que le livre soit livre ne leur permettront de s’en sortir. Oh, ils s’en convaincront, mais une petite part d’eux-mêmes sait qu’il n’y a pas d’issue. Je la comprends, Clara Ville, qui n’avait qu’une crainte, finir tuée dans un roman. Mais il y a pire, finalement : que le peintre tienne le portrait, que l’auteur le réussisse et le portraituré sera redevable, dans sa vie et dans ses choix, de ce qu’on a dit et fait de lui. » Girafe lymphatique, le Réalgar, 2018

 

23:39 Publié dans Blog | Lien permanent

Les commentaires sont fermés.