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19/09/2019

Le roman d'Aurelia (89-19 6/15)

Western_(film).jpgNe plus avoir de véhicule oblige à certaines contorsions, surtout en période de vacances et de (relative) disette. J’ai pris l’habitude de traverser la France Du Sud-Est puis du Sud jusqu’au Sud-Ouest, dans le Gers, retrouver là-bas un ami de vingt ans, les magrets de canard et les mojitos au bord d’une piscine dont j’ai moi-même construit la terrasse, ce que personne ne croit. Je jongle avec les trains et le co-voiturage. Cet été-là, pour relier Toulouse à Lyon, j’avais sélectionné Jérôme, sensiblement mon âge, tête sympathique sur le site, commentaires élogieux et voiture confortable. Pour les cinq heures de route, il valait mieux. Je l’ai retrouvé à une des sorties de la ville, me suis installé devant, une jeune fille était derrière et sans doute, elle, n’a-t-elle pas la même lecture des heures qui se sont écoulées après. Parce qu’à peine engagée, la route n’a jamais paru si courte, de l’histoire du co-voiturage. D’abord par des goûts – musicaux, notamment – communs, ensuite, par ce qui génère la sympathie entre les êtres. La conversation allait bon train quand un voile s’est installé, au moment d’aborder la question des enfants – le mien, déjà grand, ses deux filles, plus petites et marquées, je l’ai compris, par la séparation récente de leurs parents. Surtout une, a-t-il précisé, qui souffrait d’un handicap qu’il était difficile d’expliquer à ceux qui ne le vivaient pas. Justement parce qu’il n’était pas visible et que ses manifestations pouvaient être mal interprétées, socialement. A l’école, surtout. Que dire d’une petite fille qui, à la maison, récite une poésie par cœur, avec bonheur et, arrivée devant le maître, ne dit rien, récoltant l’opprobre et les sanctions ? Elle était suivie par une association, a-t-il rajouté, dont le travail était justement de faire connaître ce que lui-même n’avait, jusque là, pas encore nommé. Je crois qu’il n’oubliera jamais ma réplique, dans cet habitacle de voiture. « Oui, c’est Ouvrir la voix, non, sur le mutisme sélectif ? ». La probabilité que je connusse cette association et cette maladie était faible, celle qu’un écrivain travaillant sur un personnage frappé des mêmes symptômes que la fille de celui qui le véhiculait encore plus. Mais voilà, c’était là, et d’un coup, quelqu’un qui vivait une situation lourde pouvait la partager avec quelqu’un qui ne jugerait pas ; bien sûr, sa fille à lui avait plus de chances que la mienne (de papier) parce que les deux n’étaient pas du même siècle. Mais Aurelia, elle, a ouvert la voie – ce coup-ci – en se trouvant, juste revanche, au bon endroit, au bon moment : dans la Vienne des années (19)10, croisant la route d’un médecin dont la bibliographie documentaire, à la fin de l’ouvrage, précise qu’il a anticipé la méthode cathartique de Freud & Breuer. De même, la lecture d’une thèse de psychiatrie – « le mutisme sélectif, étude de 30 cas » permettra à l’écrivain d’en exploiter une ou deux, de les mêler et de traverser toute une période du roman. Dont je ne dirai rien ici. Jérôme, je l’ai retrouvé à un concert de Miossec le soir même de mon retour d’Ukraine, c’était un signe aussi. Depuis, nous nous suivons avec bienveillance sur les réseaux sociaux, qui m’ont permis de comprendre qu’il avait refait sa vie avec bonheur. Que j’imagine contagieux pour ses filles qui ont grandi, depuis. Lui, comme d’autres, comme les membres d’Aurelia Kreit, n’a rien dit, s’est sans doute découragé du temps qu’il a fallu au roman pour exister. Mais il a tenu bon et s’il ne pourra malheureusement pas nous retrouver, Aurelia et moi, au Tramway le 28, le livre déjà lu que je lui signerai plus tard aura un vrai bon goût de retrouvailles. C’est sous ce signe-là que Aurelia – une conclusion éditoriale saine, dixit l’ami de la note 3 – est née et re née.

Ces chroniques racontent la genèse et l’édition du roman « Aurelia Kreit », paru aux Editions Le Réalgar.

Présentation du roman le 28 septembre à 14h30 à la librairie du Tramway et à 20h à la MJC Ô Totem de Rilllieux, pour la reformation sur scène du groupe (couplée aux 30 ans du Voyage de Noz).

07:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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