27/04/2019
Le verre est sur la table.
Il suffit qu’un immense amateur de la diction vous explique qu’il faut être en sympathie avec le texte, respecter sa structure et l’élocution nécessaire à l’interlocuteur et en fasse la démonstration au restaurant, gestes à l’appui, pour qu’une vie de quinquagénaire s’éclaire un peu plus encore. Et comprenne l’agacement que provoquent les mauvais diseurs, aux cuistres suspens et aux effets attendus. Dans une phrase, c’est la construction qu’il faut donner à entendre, ne pas faire de leverreest une entité grammaticale qui n'existe pas et qui relèguerait le sur la table au rang de subalterne. Si la langue est construite, c'est qu'il faut qu'elle soit : si je ne suis pas d'accord avec la proposition, je peux accentuer un autre terme et dire que non, c'est la tasse qui est sur la table. Comprenez-vous, ponctuerait Duchamp. Ou Louis Jouvet, auquel je comparais mon hôte du jour, Daniel Mesguich. Venu proposer une lecture - "Phasmes", florilège regroupant des textes de Baudelaire, de Kafka, de Dubillard, de Ribes (et même de cette fieffée crapule d'Aragon) - dans un musée ou sa voix, tous les jours, récite "le cimetière marin", Mesguich a enchanté, au sens propre, le nombreux public par la magie de la langue, sa diction plus que parfaite, éludant le e final de l'Alexandrin mais prononçant toutes les sonorités présentes, insistant sur les sifflantes, profitant des allitérations, sans effet, sans afféterie. Avec une préciosité jamais pédante. Un temps suspendu, pour l'époque qu'il ravivait, celle de la correction. Cet immense comédien ne m'a pas démenti quand j'ai dit que les Français le connaissaient peut-être plus pour sa voix que pour son visage. L'égale de celle d'un Sami Frey, d'un Trintignant. Qui ramène à la surface la réminiscence, celle des moments passés, pour lui, à d'autres époques de sa vie, dans l'île singulière. Tous ramenés, pour l'occasion. On n'aime jamais autant les acteurs que quand on peut fermer les yeux et simplement les écouter dire.
Photo: Jeanne Davy
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14/04/2019
Le temps retrouvé.
On vit tous avec ses fantômes, et certains sont plus bienveillants que d’autres : ils vous accompagnent, se chargent parfois de vous reprendre quand vous vous égarez, d’un clin d’œil - la photo sur l'étagère - un « coucou, copain » ou un rire sonore. Ils ont fait du temps adouci un temps distendu, un de ceux sur lesquels on s’appuie, de temps à autre, pour s’assurer qu’on ne s’est pas complètement trahi. Là, aujourd’hui, via cet ami que je ne vois plus beaucoup mais qui vit la même permanence, au quotidien, depuis bientôt vingt ans deux Ouessant, camarade…) je reçois cette vidéo, d’un groupe de rock dont je ne sais rien, même pas que depuis tout ce temps dont je parle, l’un de ses membres a perpétué une des chansons que Fred Vanneyre – puisque c’était lui, puisque c’était moi – a enregistrées pour qui, personne ne le saura vraiment jamais. Aurait-elle figuré dans le 2ème album de NADA, après « Un dernier mot » ? La réponse est dans l’intitulé. Mais aujourd’hui, c’est « l’amour par terre » qui ressurgit d’un néant qui, de fait, n’en est pas vraiment un. À l’heure de découvertes scientifiques fascinantes, de la modélisation des trous noirs, il n’est pas impossible que ce potache de Vanneyre nous fasse une blague. Quoique les siennes étaient quand même franchement pourries. Merci au groupe Geneedy, alors, et à bientôt sur la route.
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