06/09/2018
Girafe aphonique.
On vit heureux, au Bar à lire, on lit heureux, au Bar à vivre. L’endroit est chaleureux, personnel, Stéphane et Sarah en ont fait un authentique lieu de rendez-vous, à Sète. Et de rencontres, musicales, littéraires, n’importe quoi tant que ça propose du talent à en revendre sans se prendre trop au sérieux. C’est ici – puisque les libraires de la ville sont trop occupés par la fréquentation des auteurs importants – que j’ai choisi de présenter ma Girafe, hier, sur la place, une trentaine de curieux attablés devant une bière ou la citronnade locale, délicieuse. Une Girafe passée au crible de Jocelyne (Fonlupt), qui fut journaliste, à qui j’ai demandé de mener l’entretien parce que je savais qu’elle ne donnerait pas dans l’enthousiasme démesuré : pas le genre de la maison. Manque de bol, c’est elle qui m’écrit quelques jours avant qu’elle a trouvé ce roman magnifique et qu’elle n’arrive même pas à trouver le coup de griffe qui contrecarre la caresse. « Mais je vais trouver », ajoute-t-elle, et je lui ai fait confiance. A raison parce que l’entretien était mené de main de maître et qu’il est toujours agréable d’être confrontée à une bonne lectrice, qui donne envie aux spectateurs d’en savoir plus sur l’histoire. Celle de cette Clara Ville dont j’ai parlé pour la première fois en public, répondant aux nombreuses attentes : d’où vient-elle ? Pourquoi cette distance, assumée, avec le personnage ? J’ai aussi tenté de répondre à la fonction des adjuvants, leur dimension tragique. On m’a accusé – gentiment – de ne pas aimer les hommes au vu du portrait que j’en fait dans le roman, d’avoir joué d’un double maléfique avec la directrice de thèse, bienveillant avec le jumeau du père. J’ai lu des extraits sur le Clair de lune que j’ai redécouverts, des leçons d’intention musicale qui m’ont fait sourire quand, dans l’assemblée, certains auront relevé d’eux-mêmes le lapsus de Jocelyne, m’annonçant musicien quand sur sa fiche était écrit mélomane. Le psychanalyste aura relevé l’imposture, mais c’est aussi le droit de l’écrivain que d’être faussaire. En m’adressant à l’assemblée, jouant un peu des bruits des scooters et surveillant du coin de l’œil mon balcon juste en face, je retrouve des ambiances que j’ai connues et qu’il me tarde de retrouver, ou pas. A cinquante ans, je ressens plus le besoin d’être dans l’œuvre que dans sa promotion. Jocelyne parle de mes autres écrits, j’entendrai, à la fin de la rencontre, parler de « Paco » dans mon dos, en des termes plus qu’élogieux. Je vois des visages amis, d’autres concernés, les trois quarts d’heure de l’entretien font la bonne formule. J’essaie d’être juste et pas trop didactique, je parle des portraits de mémoire, de Franck Gervaise, de Tébessa, de « Jules & Jim » et, à un moment, des choix que l’on fait, la conscience de leur contraire. Et de Kierkeggard. Là, je me demande ce qui m’a pris et, puisque personne ne se risque aux questions, dans le public, je me rattrape, saisit un « Trois-Huit » et lit à voix haute, sur la place, la première scène du dialogue de Pôle-Emploi. Rires francs, par vagues, dans le public. L’écrivain devient amuseur, témoin, et c’est un privilège, de la justesse du propos et de la tonalité. Finit épuisé, par contre. C’est la moindre des choses.
Rendez-vous le 21 à la Balançoire. De beaux moments partagés (avec Franck, avec Samantha Barendson à la question) et Jean-Christophe Géminard à la chansonnette.
Photo: V.N
17:56 Publié dans Blog | Lien permanent
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