13/03/2017
Tébessa, 1956-2017
Puisque tout arrive toujours en même temps, l’histoire de ce livre-là parlera à ceux qui l’ont lu, aimé, qui m’ont invité à en parler, dans plus d’une contrée lointaine, m’ont offert l’illusion d’être choisi parmi nombre de candidats – dans les cinq romans Rhône-Alpes, disaient-ils – d’être pour la première fois rémunéré pour aller parler de mon travail. Un livre dont j'ai parlé à la Croix-Rousse, puisqu’il s'y inscrit (aussi), dans le cinéma de l’école de mon enfance, un livre qui est allé jusqu’à présenter une de ses pages dans un manuel scolaire de 3ème. Je m’y trouvais dans l’index, en bonne compagnie : Camus, Shakespeare, on fait pire, sans rime. Ce petit roman sec et économe a fait un tel chemin, dans ceux de traverse, que tous les ans, depuis bientôt dix, on m’en parlait. J’ai reçu des tonnes de témoignage, de ceux qui y étaient, ceux qui l’avaient fait, j’ai croisé des imbéciles qui m’ont dit que là-bas, ils les tiraient comme des lapins, des personnes marquées qui m’ont dit que ce livre-là les avaient convaincues de parler, enfin parler. Je me souviens de toutes les étapes, des années dans le tiroir avant que cet homme, si important dans ma vie que je ne peux raconter pourquoi, l’en extraie. Le publie avec un titre que je n’ai pas choisi mais qui s’est avéré le meilleur possible. Avec une couverture que j’ai d’abord trouvée horrible avant de me ranger à l’avis unanime et enthousiaste : je ne voulais pas de marques de temporalité, j’ai été servi. Une chanson, « l’Embuscade », est venue s’ajouter à la réception enthousiaste du roman, elle en a fait pleurer plus d’un, toutes ces années. Je l’ai aussi rejeté, ce roman, puisqu’on me renvoyait toujours à lui, que les autres ne comptaient pas, ou si peu. Je l’ai rangé, puis aimé de nouveau, par pour moi, mais pour la parole qu’il rendait à ceux qui l’ont perdue. Je l’ai posé sur l’étagère de la mémoire familiale en disant à ceux qui ne me connaissaient pas encore totalement : « voilà comment je parle ». « Tébessa, 1956 », ça fait dix ans que tous ceux qui l’ont lu me disent regretter qu’il n’ait pas connu une meilleure diffusion, une sortie nationale, qui l’aurait, c’est certain, vu cartonner. Dix ans que je leur réponds que j’ai aimé son parcours, qu’il m’a offert des joies, des rencontres incroyables. L’idée qu’on pouvait s’en sortir autrement que par la voie officielle… Et puis le grand carton est arrivé chez moi, les derniers exemplaires de tous mes ouvrages, que l’éditeur me revend, comme l’indique le contrat, à bas prix, que j’en tire quelque chose qui me permette de lui rembourser la somme modique et – qui sait – m’offrir un kebab derrière. Un gros carton dans mon entrée, dix ans d’espérance et de combats, de choix douloureux et de petites victoires. Le succès d’estime, je l’ai connu. Un deuxième tirage. L’association d’un nom et d’un thème aussi, ce n’est pas rien. Mais c’est fini. Vanneyre écrivait « ce fut et ce fut bien ; c’est fini, c’est très bien ». Ironie de l’histoire, on m’invite à en parler à la médiathèque de Sète le 24 de ce mois. J’avais fixé cette date avec l’idée d’un renouveau, puisque mon « Aurélia Kreit » est prêt, enfin terminé (sept ans d’âge, chute et convalescence comprises), ce sera une fin, un deuil. Vingt exemplaires qui restent trouveront preneurs, c’est sûr, dès que j’en lirai une ligne. Personne n’est censé savoir qu’il s’agit des vingt derniers. Plus les quelques-uns que l’éditeur aura gardés pour lui, tellement il l’a aimé, ce roman. Qu’il quitte, pourtant. Il en va des histoires de livres comme des histoires d’amour, alors. Remarque, comme on évite une agonie, ça m’évitera les bacs de Gibert, à 0,40€ l’exemplaire, ou les ouvrages de mes confrères bien mieux distribués que moi que la même médiathèque a vendus l’année dernière à 1€ l’unité. Siglés « Pilon », dès la deuxième page.
20:26 Publié dans Blog | Lien permanent
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