06/11/2016
Little Bob stories.
Il y eut comme une vague d’incompréhension, un mouvement qui n’allait pas dans le sens, habituel, des spectateurs aux artistes. Un moment de flottement, des regards qui se croisent, qui se demandent s’il faut arrêter ou continuer. Il est extrêmement rare qu’un artiste cesse de jouer parce qu’il se passe quelque chose, comme si l’Art lui-même, dans le cas d’une mauvaise nouvelle, pouvait la nier encore un temps, voire inverser le cours des choses. Il y eut ces quelques secondes d’errance pendant lesquelles, d’un côté, le show se poursuivait et, de l’autre, l’inquiétude grandissait. Prise en charge, puisqu’elle en a prêté le serment, par un médecin dans l’Assemblée. On porta l’aïeul du salon à la chambre, en attendant les secours : des images défilaient, tristes rengaines d’un été pourri, tout entière contenues dans ses jambes que je maintenais surélevées. Le pouls, la tension, tout cela était très bas, au moment où, dans la pièce d’à-côté, résonnèrent les premiers accords des « Palpitants ». Juste au moment où, coïncidence ou pas, le presque octogénaire reprit ses esprits, son souffle et son humour. Redevint, à la seconde, le père aimant, curieux, soucieux du bien-être de tous. Juste au moment où les pompiers rentrèrent dans la chambre et en firent sortir ceux qui avaient fait ce qu’il fallait. Juste le temps, également, d’aller écouter la fin du morceau, de replonger dans l’ambiance d’un concert qui a failli vaciller. Tout s’était pourtant bien passé jusque là : les nouveaux morceaux, l’ambiance électro d’un « Tu veux la guerre ? » comme entrée en matière, les énergies du duo insoupçonnables une quinzaine d’heures auparavant (sic) étaient là, deux ans après le première, dans les salons de Jo. De ceux qu’on fréquente, comme au XVIII. Avec un peu plus d’énergie bestiale, d’explosif dans le répertoire. Ceux qui les découvrent les apprécient, d’autres sont plus dispersés mais c’est un anniversaire, celui du maître des lieux. Qui dormira bien, ce soir, et peut-être demain aussi, histoire de rattraper. C’est la set-list de leur premier concert de cette nouvelle ère, celui de Ban-de-Sapt, en septembre. On retrouve Michaëla aux claviers sur « Tangerine », les guitares en bois ont été troquées par d’autres guitares, en bois aussi, mais électriques. Les coupes de cheveux sont différentes, on est dans le case study, l’Existant et le constat, le diagnostic, la transformation et, quand il sera l’heure, le résultat et ses résultats. J’ai bien appris la leçon, et dans le diagnostic, on sent chez Fergessen - puisque c’est évidemment d’eux dont il s’agit – le désir vif de toujours explorer et de ne pas lasser. Ou se lasser : dans une discussion qu’elle lance quand même malgré l’avertissement qu’il émet, Michaëla craindra qu’il ne se passe pas grand chose quand David dira que c’est à la guitare-voix simple qu’il faut passer les plus anciennes chansons. Que le contraste agisse avec les nouvelles, plus chargées en boucle, programmations et autres festivités. Ainsi, hier, j’ai réentendu des titres qui m’avaient échappé, dans la nouveauté de septembre. Entendu autrement. Les pieds de micro sculptés par Jean No sont superbes (lourds à porter le lendemain mais c’est une autre histoire), assis, devant eux, les gamins sont subjugués et le groupe avance. Ne déroule pas comme ils pouvaient le faire après 300 concerts du Far-Est Tour, redécouvre le trac, les angoisses que ça ne passe pas. Et pourtant, ça passe, et l’impatience grandit d’un troisième album qu’ils peaufinent, même au soleil. Très tard dans la nuit, l’hôte des lieux aura même droit à un inédit, composé en Chine, dans les deux langues. Avec une guitare (en bois) achetée là-bas Et une chanson sur les animaux, le café et la mémoire. Un petit instant suspendu, moins lourd que le souffle qu’on aura retenu un temps, dans la soirée. Aux dernières nouvelles, Bob va très bien, il a kiffé vegra la soirée, malaise compris. Et le duo est reparti au matin, la 806 blindée et l’appétit ouvert : les lasagnes de Vincent Assié sont aussi bonnes que ses photos, c’est dire. A quand le prochain rendez-vous ? La route est longue et chaotique, mais quand elle rassemble, l’espace d’une soirée, tout ce et ceux qu’on aime, elle est belle. Et m’inspirerait presque un petit quatrain naïf, intitulé « A mon amie accordiniste » : Sur le jean, le gin, Qing /Ramène autant la forme maligne /Tâche aux allures curvilignes /Qu’un versement d’encre de Chine. Ça ne mange pas de nems, ça termine un article et ça me fait gagner un pari.
22:40 Publié dans Blog | Lien permanent
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