04/03/2016
Voir les hautes travées du théâtre romain.
Tout ce monde qui se déplace pour quelqu’un d’autre, à l’exception des quatre ou cinq premiers rangs, ces regards qui supplient un retour complice alors que tout, de moi, doit tendre vers le texte, l’harmonie, l’interprétation… Ils savent à quel point on a attendu ce moment, combien on a dû batailler pour qu’ils nous programment : le succès d’estime, quand on est local, provoque la suspicion comme l’intérêt pour la facilité. Imposer les trois lettres qui restent du groupe dont tout le monde, dans le théâtre, a entendu parler, mais dont la plupart ne sait rien, ou a oublié. Ça n’est rien, ça n’empêche pas de continuer : on ne se bat pas pour soi, dans la musique, mais parce qu’on a quelque chose à proposer, et peu importe ce que ceux-là, en face, en garderont, finalement. On a un set à faire, je sais qu’en coulisses, quel que soit le succès qu’on aura eu, un homme me fera des signes pour que j’arrête, qu’on ne nous autorisera pas le morceau supplémentaire qui nous ferait passer un cap dans le souvenir qu’on en gardera. Peu importe, oui : je suis dans ma ville, avec mon groupe et même si c’est en petit, notre nom s’est inscrit dans le programme et l’histoire du festival, dans celle de ces vieilles pierres surchauffées. On continuera, on se fondera là-dessus et si les lendemains ne chantent pas, au moins on aura essayé, on aura fait toutes les salles qui comptent et, des années après, l’image d’une foule aux couleurs bigarrées – c’est l’été, les débardeurs sont de sortie – réapparaîtra, au détour d’un échange, d’une soirée, ou la préparation d’un autre concert, si on est toujours vivants. C’est haut, un théâtre antique, on s’y sent petit en tant qu’être humain, immense quand on joue : ça doit être ça, la catharsis. Il peut s’agiter, l’homme, côté jardin : ma mémoire est en marche, ce n’est pas lui qui va l’altérer.
15:50 Publié dans Blog | Lien permanent
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