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04/01/2015

Portraits de mémoire.

Fred Vanneyre, 30 ans, écrit, compose et s’amuse de tout. Sauf de ce qu’il sait important.

Belle Donne

On m’avait pourtant prévenu. : impossible de résister. Ni au rire, ni aux yeux. Noir profond, comme le jean, comme la veste. La chemise, elle, est bordeaux, ouverte sur un torse qu’on croirait méditerranéen mais qui s’est arrêté un peu avant, en Ardèche. A St Jean-de-Muzols : « Une maison sur une pente, avec des vignes en dessous ». Des yeux, donc, qui scrutent un moment et s’ouvrent en grand quand on pose la question : qu’est-ce qui fait avancer Fred Vanneyre ? « Tout ce qui est beau. Une fille dans la rue, un moment d’amitié. Tout ce qui fait que l’humain, par moments, devient poétique. » Poétique ? Tout est poésie, si l’on veut bien y croire. Le René Char illustré prône sur l’étagère et au travers du fourbi, on distingue d’autres noms, encore : Rimbaud, Oscar Wilde… Cioran, aussi ; la tentation est grande de faire le lien tout de suite : « C’est parce qu’on ne peut rien écrire sur rien qu’il y a autant de livres ». Rien. Nada. On y reviendra. Pour le moment, il veut nous jouer sa dernière chanson : elle est belle, elle parle du massif de Belledonne, là où, avec Claude, il aime marcher « aux deux bouts des semaines ». Elle sera sur le 2ème album de NADA, le groupe de l’association éponyme, « mais avec des points ». Et il rit : impossible de résister. La guitare sur les genoux, il raconte, parle du projet N.A.D.A, dit qu’avec le piano, les cordes, l’ensemble va être très mélodique, surprendra ceux que « Un dernier mot » avait heurtés. A propos, dirait-il encore aujourd’hui que c’est l’album qu’il avait rêvé d’enregistrer ? Sans l’ombre d’un doute : « On a fait ce qu’on voulait faire : c’est l’histoire de trois rencontres, une  d’écriture, une musicale et celle d’Eric avec le groupe. C’est aussi l’histoire de nos histoires. » Elliptique, Fred Vanneyre ? Il répond, soucieux : “On me dit maintenant que « Ouessant » est trop longue, trop exigeante. Mais quand on l’a jouée au Cœur des gens, c’était encore pire, et pourtant il y a  eu adhésion. » On lui rappelle des mots un peu durs : « j'ai tendance à croire que l’album est minimaliste par défaut et que votre exigence de départ n'est perceptible que pour vous », il élude et annonce : « Vous allez voir, nos filles vont clore le débat. » Des filles ? «  Margueritte, Camille, Adèle… », autant de chansons courtes, de figures passionnées qui vont amener NADA sur des terrains moins sombres. La voix chaude se fait convaincante, il entonne « la chanson des remerciements », celle qui parle du mald’Elvire… Un mot sur sa collaboration avec Laurent Cachard ? La question que lui-même s’est posée : pourquoi un autre homme de mots quand on a assez de verve pour se les servir soi-même ? « Peut-être justement pour éviter le narcissisme. Là, il y a un chiasme, c’est réussi. » Et Ahmed Mérabet ? « On a commencé à jouer ensemble, il me tournait autour, il avait besoin de me sentir, de me coller pour trouver la note, ça  a été dur d’être dissocié en studio. » Ces relations-là, les a-t-il toujours cherchées ? On lui parle des « gentlemen liers », avec Hervé Quaglia, de Yann et du « Nocturne » qu’ils ont enregistré. Il raconte une autre histoire pour répondre : « On m’a volé ma guitare dans le train Lyon-Paris alors que j’allais passer le Capes : j’avais décidé de tout arrêter. Et puis à Bourg, JC m’a proposé d’intégrer Sur les Quais, et Laurent m’a fait entrer dans un tourbillon de création, de rencontres. Je leur devais bien de reprendre. » Et maintenant : « Laurent m’a fait promettre de faire un album solo, je vais y réfléchir. » Une séparation ? Plutôt un pacte à la Noir Désir : on se retrouve quand il est temps de le faire. Pourquoi alors ne pas aller au bout de ses envies et reprendre les chansons qu’il répète avec Ahmed : Nick Cave, Sixteen horsepower, Murat ? Et « dans les ascenseurs, camarade », de Ferré. Ou mettre en musique « La chanson du chagrin", une des nouvelles qu’il a écrites et qu’il n’a pas le temps de reprendre. Au final, on est épris, on n’a pas envie de partir, surtout qu’il vient de proposer le vin d’orange familial. Ahmed devrait arriver, nous dit-il, il nous propose de l’attendre. Et se remet à jouer : « le silence environne, l’horizon déchiqueté autour, ta silhouette murmure mon nom, la béance m’emprisonne, me délimite, impose Vamour, qui empiète le massif de Belledonne. » On m’avait pourtant prévenu. 

portrait écrit en 2003.

19:05 Publié dans Blog | Lien permanent

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