29/10/2013
La corde et le conditionnel.
L'émission se termine, l'illusion de la télévision aussi : les décors sont rapidement démontés, les tableaux rangés, les techniciens s'affairent et l'heure passée avec Alicia Hiblot, à l'invitation de Fergessen, est déjà écoulée. Avec la frustration que ça entraîne, les mots qu'on n'a pas placés, l'admiration qu'on n'a pas assez soulignée. Nous semble-t-il, alors que tout était là, dans les regards, les termes choisis. J'aurai regretté, au final, qu'Alicia n'ait pas reçu mes livres comme elle aurait dû le faire, que Aline, sa chroniqueuse littéraire, n'ait pas eu le choix de consacrer sa chronique à mon Gros Robert, ce qui m'aurait évité d'être, dans mes six minutes imparties, à cheval entre ma raison d'être là – le travail engagé et à venir avec Fergessen – et la promotion, l'exercice le plus putassier de l'ère moderne audiovisuelle. Bon petit soldat de l'édition, j'aurai dit et entendu ce qu'il fallait qu'il se sache: la Sélection Lettres-Frontière pour "Tébessa", son extrait dans un manuel scolaire, le prix de Grignan pour "la partie de cache-cache", etc. J'aurai gentiment bataillé avec Aline, en plateau et hors antenne, pour lui dire que je préfèrerai toujours un ouvrage comme « Je suis une aventure » de Arno Bertina, à l'ouvrage romantico-tennistique qu'elle est venue défendre. Qui marche, je l'ai vérifié en Salon encore récemment, mais qui n'est pas ma tasse de thé littéraire. Notre discussion, qui ne demande qu'à reprendre, portera également, en off, sur le temps qu'on peut (ou doit) consacrer à une œuvre. J'oppose mes presque dix ans d'écriture – hors PAL – aux deux mois que mettent les prodiges dont elle me parle pour écrire leur chef-d'oeuvre. Je ne donne pas de noms, mais ne renonce pas : je vais lire les livres dont elle me parle, et reviendrai débattre. En off ou pas. Il n'empêche, une fois l'épreuve amusante du maquillage passée, le plateau s'organise et la belle nouvelle des jours précédents, c'est que Gérard Védèche joue avec le duo, que son lapsteel s'impose et prend les espaces. Après les premières chroniques et le lien fait entre eux et moi, « Nos palpitants » résonne en plateau, en deux temps dont il serait inconvenant de parler. Je vais me mettre en short, ça va me détendre. Le morceau est sublime, j'en ai déjà parlé ici et l'harmonie du duo est de très haut niveau. Dans le peu de phrases intelligentes que j'ai pu prononcer, hors celles que j'ai écrites sur eux et que Alicia a gentiment mises en exergue, je dirai qu'on peut venir de petits labels, voire, comme eux, de l'auto-production, et égaler, voire encore, les grosses productions, littéraires ou musicales. Pour moi, ce n'est pas à moi de juger, mais pour eux, ce n'est ni plus ni moins que le meilleur groupe que j'aie vu sur scène ces dix dernières années. Et ça n'a rien à voir avec le poulet aux herbes que Michaela nous a concocté, je vous prie de me croire. Il y eut plusieurs temps dans cette émissioon, passés trop vite, je l'ai dit. L'accueil et le professionnalisme de toute l'équipe, Cyril Magi en tête, qui connaît bien ses Fergessen, me laisseront longtemps le souvenir d'avoir participé à quelque chose de notable, même si mes a-priori sur la télé sont nombreux. À voir Alicia répéter son intro et travailler son débit, je pense à Victoria Abril, dans « Tacones lejanos » : c'est dire si le charme opère. Il me semble avoir joué mon rôle d'intellectuel de service, à la voix de plus en plus jeanpierremariellisée, face au duo qui peut tout se permettre, au vu de ce qu'il cumule et derrière quoi on peut toujours courir : amour, talent, beauté. Manquent la gloire et la richesse, ces chimères dont on se demande si on ne fait pas tout pour les fuir tant elles sont loin, désormais, de l'éthique qu'on s'est fixée. On a passé une heure en famille, au bout du compte, c'est pour ça que c'est passé vite. Des rendez-vous se prennent, des rencontres à venir, des retrouvailles sur la route : Florian, qui chronique des vinyles dans l'émission, et produit lui-même des artistes, passera bientôt par Saint-Etienne ; Aline est repartie avec mon Gros Robert, et avec « Réversibilités », qu'elle sache de qui elle parle, et parlera peut-être. Pour quelle audience, quelle incidence, personne ne sait et pour le coup, peu importe. Je vous passerai le film, comme disait ma grand-mère. Il retiendra qu'on s'est réuni sur MTV, que Fergessen a fédéré. De quoi croire, de nouveau, aux lendemains qui chantent. Et qui chantent bien. En harmonie.
22:14 Publié dans Blog | Lien permanent
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