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26/05/2013

Retours de scène.

264493_502897266431956_1177103986_n.jpgLittérature & Musique, donc. Le concept est osé, d'entrée, parce qu'une des deux notions effraie, un peu. On s'interroge sur son envie d'entendre des textes dans un espace public, pas sur celle d'y écouter des musiciens. Un beau trio, bien réparti sur le plancher blanc fraîchement monté et peint par Daniel, le maître des lieux: on ne plante pas la pointe d'un violoncelle ni n'installe des guitares et des pieds de micro dans le gravier blanc, particularité de l'endroit. Les quatre dessins de la Valse qui illustrent le "Valse, Claudel" sorti hier soir constituent le fonds de scène, dur le mur latéral, il y a cinq autres grands formats et en face, cinq petites esquisses. Qui reconstituent le mouvement de la danse, duel épique entre la force de Rodin et l'abandon de Camille. Je termine l'arc de cercle, à la gauche de l'archet de Clara. En station assise, comme eux, après réflexion: tabouret haut, pupitre sur lequel je pose mes trois romans et mon recueil de nouvelles. Il y a déjà du monde dans la galerie, mais on attend les Lyonnais, peu nombreux mais fidèles, qui ont bravé la difficulté de sortir de leur ville. La mienne, enfin presque, tant l'origine et l'investissement mis dans ce projet m'ont fait Stéphanois. On n'oublie jamais de  là où l'on est parti, même en soupçonnant qu'un "truc" comme ça nous échappera vite et nous mènera ailleurs. Un des termes souvent utilisés par Gérard pour mener les répétitions et justement éviter de se répéter. Arrivés au tas de gravier, donc, après que Daniel nous a présentés, je commence sans un mot de plus par un extrait de "la partie de cache-cache": une minute et demie, guère plus et le violoncelle, à la droite, qui commence à monter à l'endroit indiqué sur le déroulé. Comme dans les grands orchestres qu'elle commence à fréquenter, Clara, à dix-sept ans. "Reconnaître que tout est dit", la voix fragile d'Eric installe l'atmosphère par l'antiphrase, elle peut déstabiliser sur l'instant mais les deux guitares entrent, soutiennent. Un premier crescendo, puis un finale, allegro. C'est la cinquantaine de personnes qui nous font face qui décident de ponctuer la fin des chansons d'applaudissements. Que je laisse faire, avant d'enchaîner: la fin de "Ciao Bella!", la fausse bluette issue de ce gros Robert dont la nouvelle éponyme a bouleversé Fred, l'exigeante libraire du Tramway. Qui m'a appelé pour me le dire vendredi. Qui nous attend, du coup, le 22 juin, avec un peu plus d'impatience. "Ciao Bella!", donc, ma minute trente et là, subito, "Quantifier l'amour", qui fait entrer le violoncelle dans le rythme soutenu de la bonne variété. Ça tourne, pendant qu'ils jouent, je regarde les gens, pas un ne bouge. Tous captivés par le lapsteel de Gérard, cette guitare qui se joue sur les genoux et qui le détermine comme musicien. Du rythme, un format chanson classique, trois minutes trente et l'on continue: j'appelle le nom d'Alain Larrouquis et ce dont il est le nom, finis sur les ratés du basket et on enchaîne sur "les perdants magnifiques". Qu'on destine à l'oubli. La chanson la plus courte en texte et la plus longue du lot: crescendo, boucles de lapsteel, gigue irlandaise virtuose au violoncelle pour terminer. Je regarde Éric, je sais ce qu'il pense: sa musique est jouée dans un cadre superbe, devant un public attentif, entouré de deux de ses trois amis les plus proches et d'une chic fille. Je connais plus d'un musicien qui aimerait vivre le dixième de ça. Je lis un bout de "Valse, Claudel", un essai sur la phénoménologie, en somme: au mot "partition", clin d'oeil, Gérard lance le décompte et, quatre secondes plus tard, une après que j'ai arrêté ma phrase, c'est "Ton Égide", le tube, 3'02 de pulsion. Applaudissements très nourris, frissons. On s'approche de la fin mais le plus dur commence: "en 1954...", lis-je, je sais que dans la salle, des yeux vont s'embuer. Je manque, pour mon dernier texte, de céder à l'émotion, me rattrape: je ne veux pas d'effets, même involontaires, dans cette lecture, seulement celui des textes. Le Dobro de Gérard pose les tonalités arabisantes, il dira après qu'il fallait qu'il s'accorde autrement qu'au morceau précédent et que la manipulation qu'il a faite inopinément a trompé Éric, qui lâche une partie du refrain. De mon tabouret, je prends ça pour de l'émotion, la même que moi. Le public aussi. On termine le morceau sur une note apocalyptique, la fin du Gérard du roman, la guerre, mais c'est à Clara que revient la note finale, celle du sublime et du Sacré. On est dans la demi-heure annoncée, beaucoup d'applaudissements et de visages ravis: je présente Éric, le compositeur qui met au monde les chansons, Gérard, qui les arrange et les sublime, en accord, puis Clara, jeune prodige, qui les magnifie. On a terminé et, nonobstant le couac sur "l'Embuscade", on sait qu'on a réussi. C'est l'heure des bonus, qu'on enchaîne: Éric et Gérard jouent "le Café des Écoles", issue de "Trop Pas!", la comédie musicale lycéenne qui a scellé notre ménage à trois. Puis Clara et moi essayons un impromptu, "l'impromptu de Camille", le long poème inédit qui conclut l'édition de tête de la nouvelle. Cinq minutes d'alexandrins, ça peut paraître long pour le quidam, mais après la première strophe, Clara lance, en sourdine, la suite pour violoncelle de J.S Bach. On a deux bouts de répétition ensemble, on sait vaguement qu'on doit se retrouver là, s'attendre ici... Et merveille du direct, tout coule, tout est fluide, je prends un plaisir inouï et immodeste à la lecture des vers, la voix que j'entends me plaît, c'est sans doute Camille qui parle à travers moi. On tombe juste, Clara termine, la première du "Littérature & Musique" aussi. Jean-Louis Pujol, mon ami peintre venu de Bourges pour exposer ses dessins, en vendra deux, une bonne nouvelle, je signerai beaucoup de livres, pour un auteur comme moi, on vient chercher celui qui parle de cet enfant différent, là, oui, il a un beau bandeau rouge qui dit "Prix du 2ème roman, Grignan 2012". Pas de gloriole personnelle, juste une autorité qui s'installe, pousse un ou deux curieux à prendre le tout Cachard. Qui n'est déjà plus rien comme auteur - puisqu'il repart de zéro - mais à qui des soirées comme celle-ci et celles qui s'annoncent rappelleront qu'il a été. PS: merci encore à Daniel, du Réalgar, pour tout. J'attends avec impatience sa stratégie de diffusion du Claudel, le procès à l'amiable avec Isabelle A. et notre entrée au(x) musée(s).

10:43 Publié dans Blog | Lien permanent

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