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03/01/2013

Independance Day.

IMG_1422.jpgSes deux amis sont venus au matin lui dire au-revoir. Quand je les ai vus sortir tous les trois de l’allée, j’ai mesuré, au sens premier, l’étendue de leur histoire propre, à ces trois escogriffes qui m’ont tous dépassé en taille alors que c’est un domaine dans lequel, disons-le, je me défends. Trois beaux jeunes hommes, grands, fins, élégants, que j’ai connus enfants. Surtout un, le mien. Qui part aujourd’hui pour trois mois en Italie. Rien de bien dramatique, si ce n’est qu’un départ, à dix-sept ans (moins dix-neuf jours), c’est un prémisse, un acte initial. Et qu’on ne laisse jamais partir facilement ce à quoi on tient le plus au monde. Je regarde mon fils s’éloigner avec sa maman – à qui j’ai laissé le privilège de l’emmener à l’aéroport parisien – je me dis que ce qu’il fait là, en plus de le faire alors que j’aurais aimé le faire à son âge, déterminera celui qu’il sera, adulte. On se construit par les actes et celui-ci en est un sacré, quelle qu’en soit la durée. Mon petit homme qui se levait le matin et nous infligeait, systématiquement, le générique africain du « Roi Lion », celui à qui il fallait lire, mille fois, l’histoire des Biloulous (« sous un caillou, un gros caillou, vivaient trois affreux Biloulous ») va devenir, à part entière, un individu sur lequel on n’aura plus aucun contrôle, quelqu’un qu’on ne va plus pouvoir, trois mois durant, toucher du doigt. L’accolade qu’il a consentie, en bordure de gare, les petits spasmes survenus ces derniers jours, tout cela relève du passé, maintenant, puisque d’ici peu, il ne sera plus celui qu’il a été, mais celui qui a vécu ça : l’initiation est en marche. On peut trouver ça ridicule au vu de la courte distance et durée du séjour, mais c’est un fait, et seuls ceux qui sont partis le savent : on ne revient jamais tel que l’on est parti, et heureusement. Qui plus est, cette idée de l’aventure, de la découverte, c’est quelque chose qui ne lâche pas et conditionne la notion de remords : celui qui n’essaie pas ne se trompe qu’une seule fois, dit la chanson. Dans quelques heures, une autre famille prendra le relais, le trouvera certainement plus avenant qu’il peut l’être avec nous, parce qu’il peut l’être tellement. Dans un premier temps, tout lui paraîtra difficile, le nom des rues, des gens, des notions à intégrer scolairement ; et d’ici peu, tous ces obstacles lui paraîtront risibles. Je suis extrêmement fier de ce qu’il est mais surtout de ce qu’il a choisi d’être : indépendant, mobile, libre à un degré viscéral. Ce n’est pas une vie facile qu’il a choisie, surtout qu’il devra, lui aussi, supporter le poids d’une sensibilité presque outrancière. Il parlera une langue que je ne connais pas ou peu, aura lié des amitiés, des amours, peut-être, tout ce qui relèvera de son cheminement propre, encore une fois, et tant mieux. Et moi – sa maman, aussi – je le regarderai, du port que je me serai trouvé, attendant de ses nouvelles sans en demander, sans jamais lui imposer d’en donner. Il a trois ans, j’écrivais « Quand mes filles seront parties* » pour Eric Hostettler, au grand dam de son épouse, mère des sus-dites, qui m’aurait étripé sur place, gentiment. Voilà que cette histoire se retourne contre moi aujourd’hui, et j’en souris. On ne peut pas être poète et philosophe à la fois et ignorer la portée du Voyage. Je le suivrai en pensée, de temps à autre en parole, en images, mais dans mon cœur – pardon du cliché – c’est une partie de moi-même qui est partie ce matin. Il détesterait lire ça, et plus encore voir la photo que j’ai mise, mais ce petit homme aux mains dans les poches qui refusait – déjà  – de chanter en même temps que les autres sur la scène de la Bourse du Travail (la même qu’a foulée Barbara !) s’est doublement envolé,  et c’est très bien. Quand il reviendra, pour les lilas blancs du mois d’avril, peut-être ses deux amis viendront-ils le chercher à la gare. Ou ses cousins-cousines qui ont eu tant de mal, hier, à le laisser partir. Quoi qu’il arrive, j’y serai, évidemment. Un peu derrière, attendant mon tour, mais j’y serai.

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