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03/07/2011

La Pianiste

Elle n'avait pas prévu de jouer ce soir-là. C'est sur l'insistance de ses amis qu'elle s'est assise sur le tabouret, qu'elle a redressé ce dos qui, toujours, la faisait souffrir. Elle venait pourtant de dire à celui qui regrettait de ne l'avoir jamais vue sur scène qu'elle ne saurait jouer autrement qu'avec un piano à queue. "Et en robe de soirée", avait-elle précisé, en souriant. Ce clavier Rolland, là, en face d'elle, ne convenait ni à ses habitudes ni à la seule musique à laquelle elle s'adonnait depuis tellement d'années. Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter de relayer le groupe festif aux airs enjoués? Elle allait poser quelques mesures de Rachmaninov, on l'écouterait un temps, celui du respect dû à la "grande" musique, puis on passerait à autre chose. Elle allait se tromper, aussi, certainement: les coupes qu'elle avait acceptées depuis le début de la soirée la troubleraient, sans doute, démontrant une fois encore qu'on n'atteint pas l'âme de la composition en usant d'artifices. Ses mains déliées à plat sur les touches qu'elle caresse ne trahissent aucune émotion, en apparence. Tout est intérieur, en communion avec la partition dont elle doit, en plus, se souvenir. Elle est frêle, elle doit se rappeler, dans l'instant, les heures passées à supporter une autre enfance que celle de ses copines. La note n'est pas encore tombée, c'est le silence qui la précède, mais c'est déjà d'elle dont on parlera, le lendemain.

20:57 Publié dans Blog | Lien permanent

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