04/02/2016
Présentation d'une ville (3)
Il y a cet homme que je croise tous les jours, qui habite en face de là où je gare Lady Vroom-Vroom, ma simili-Vespa. Il porte haut et fier ses soixante-dix balais, dirait Reggiani, dont plus de quarante passés embarqué, sur différents chalutiers. Il les connaît tous, sur les quais, s’étonne de me voir là, ne peut cacher le peu de légitimité qu’il m’accorde, mais je ne lui en veux pas. Courtois mais sanguin, il déplore tour à tour l’assistanat généralisé, le peu de crédit apporté, désormais, aux travailleurs de la mer et, plus largement, à ceux qui les ont entourés, aidés, ceux qui, comme lui encore, donnent le coup de main à l’arrivée au Môle, dépannent d’une pièce manquante, consolent quand rien n’est sorti d’un milieu rappelant, à chaque sortie, qu’il n’est pas naturel de l’exploiter. Cet homme-là, trapu mais altier, allégorie de cette ville dans laquelle il est né, salue une vieille femme dans sa rue, qu’il a peut-être, en son temps, tenté de conquérir et qui peine, voûtée sous l’effet de la fatigue, de l’âge et d’un travail harassant. Il dit que c’est elle qu’on devrait aider, mais l’entraide, la solidarité et le respect des anciens sont des valeurs qui ont disparu, selon lui. Demain matin, aux aurores, il attendra devant sa porte celui qui lui voiture son journal et, après l’avoir lu, fera les cinq kilomètres, à pied, aller-retour, le séparant du Port, son rendez-vous quotidien.
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03/02/2016
Présentation d'une ville (2)
Il y a ces artères, aussi, qui disent plus qu’elles le voudraient : les routes défoncées, les trous, les bosses qu’on évite soigneusement, tout en jetant un œil de partout, rapport à la culture locale et naturelle. L’itinéraire qu’on se fixe dans un premier temps, duquel on dévie quand on est en confiance, intrigué par un nom de rue. Lequel, une fois sur deux, rappelle le passé travailleur de la ville en vantant ses enfants, ses résistants, ses damnés, mais une idéologie, également : cela fait bien longtemps qu’on ne fait plus la révolution nulle part, mais ici, tous les jours, on y passe à défaut d’y penser. Dans l’axe Nord/Sud, quand on laisse la mer derrière soi , sans omettre de lui dire à ce soir, pour rejoindre l’étang.
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02/02/2016
Présentation d'une ville (1)
Une ville s’intègre par strates, c’est bien connu, et les terrestres ne sont pas les moins abordables. Surtout dans une de celles dans lesquelles il convient, justement, de raisonner autrement qu’en terrien. Dans ces gros villages qui se sont étendus, dans lesquels les activités comme les comportements sont imbriqués, relèvent de l’intra et de l’interdisciplinaire. Il convient dès lors d’étudier tout ça avec patience, en acceptant que tous les obstacles ne se lèvent pas d’un coup, qu’on met une vie à se défaire de ses repères et une autre à décoder ceux des autres. Dans le même temps, on trouve refuge dans la nouveauté, l’inconnu : comme une renaissance, en conscience.
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