16/10/2009
Re Mauvignier
Je suis très énervé. J'ai pris quatre pages de notes mercredi, après avoir rencontré Laurent Mauvignier et voilà que j'ai égaré mon cahier. Sur d'autres lieux de la toile, j'ajouterais à cette entrée quelques petits émoticônes expressifs, du style qui trépignent de rage. Mais peu importe: je dois dire ici que j'ai enfin pu parler avec cet homme qui serait en somme une espèce de double brillant tant nos thèmes correspondent, depuis dix années quand même. Un Mauvignier plus détendu que je l'aurais imaginé, maniant les références que je lui avais devinées, néanmoins, dont le formidable film de Philippe Faucon qui ne m'avait pas échappé dans la description de la trahison des harkis de la garnison... J'ai déjà écrit sur Des hommes, si, si, juste en bas, pas loin; je ne rajouterai rien sur le sujet, sinon le petit amusement de voir cet homme-là livré maintenant à des incidences de son livre qu'il n'avait peut-être pas anticipées. Il y aura toujours en face de lui des personnes qui lui renverront leur propre expérience, directe ou indirecte, de l'époque et lui ne pourra jamais qu'écouter poliment, ce qu'il fait à merveille. Je sais maintenant, néanmoins, que Laurent Mauvignier écrit avec des boules quies dans les oreilles, qu'il redoute particulièrement le récit linéaire, ce dont on se serait douté en le lisant. Ses constructions cycliques, ses dénouements qui n'en sont pas mais qui libèrent davantage qu'ils le firent, ses silences (plutôt que les non-dits, dont il a raison de dire que la seule appellation dit plus qu'elle voudrait cacher...) auxquels il donne une forme dans la suspension de ses phrases, ses arrêts sur un mot, ses attentes qu'il fait subir au lecteur.
Mauvignier a de jolies lunettes fines, aux montures rouges. Son regard est perçant, toutefois. Aigü. Il rit en rêvant d'un livre dialogué dans lequel rien de lourd n'arriverait à ses personnages, mais il se doute que ça ne lui arrivera jamais. Il admire Carver pour ça, mais reconnaît immédiatement qu'en dépit d'apparences contraires, les ennuis des personnages de Carver sont les mêmes que ceux qui arrivent aux siens. Il cite Sarraute pour Enfance et, en cinéma, renvoie à Scorcese et Cimino. Parce que dans Voyage au bout de l'enfer, les personnages ne disent rien de ce qu'ils ont vécu et que du Vietnam, il n'est directement question dans le film qu'une quinzaine de minutes.
J'ai discuté cinq minutes avec lui, sans vouloir l'importuner; j'ai inversé les codes, lui ai remis une enveloppe kraft dont j'espère qu'il ne l'aura pas laissée chez "Passages". Je n'attends rien en retour, l'écriture est un exercice bien solitaire. J'aime juste l'idée qu'il l'ait eue.
Bon, si je retrouve mon cahier, je ferai un papier plus complet, un jour. Là, c'est la Cie Antonio Gades qui m'attend...
18:07 Publié dans Blog | Lien permanent
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