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14/06/2009

CANTHOLOGIQUE!

 

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J’avais délibérément choisi de ne rien savoir sur « Looking for Eric » de Ken Loach avant d’aller le voir, le seul fait que ce film existe et que Ken Loach l’ait réalisé suffisant presque pour que je retarde le moment au risque de m’y prendre trop tard, vous suivez ? Il y a des films comme ça pour lesquels la sympathie est telle que ce n’est parfois même pas la peine d’aller les voir ! Bon, là, quand même, j’y suis allé. Conscient de ce que Loach a apporté à ma vie et conscient que la madeleine, parfois, peut porter un maillot rouge a col relevé. Pour user d’une hyperbole, je dirai que je n’ai pas vu de meilleur film que celui-ci, cette année ! Que ce cinéaste est aussi génial que son sujet est excellent, dans une hagiographie inversée : ce n’est pas Cantona dont on parle, mais d’Eric, le postier ; et ce n’est pas sa vie qui compte le plus, c’est l’unité dont font preuve les United, même si le rapport au club qu’ils n’arrivent plus – financièrement – à supporter n’est que prétexte à lien social dans une Angleterre loachienne, c’est-à-dire prolétaire.

Il y a des scènes d’anthologie dans ce film, pas forcément celles dont on a parlé. Celle qui génère le nœud de l’histoire, quand les postiers entrent en méditation et essaient de se voir par le regard d’une personnalité qu’ils aiment, quand cinq inconnus deviennent, dans un salon usé, Sammy Davis Jr, Nelson Mandela, Eric Cantona, Gandhi et Mister Blue eyes Frank Sinatra, quand, dans l’hypnose simulée, Mandela se lève pour « retrouver Winnie », c’est tout une salle qui explose de rire avant même qu’Eric lui-même entre en scène. On retrouve ce qui fait que les films de Loach sont drôles dans leur misère extrême : l’amitié, réelle, le partage, les valeurs que le club qu’ils regardent à la télévision a perdues. Pour aller aux matchs de MU, nous dit Loach, il faut être riche ou connaître des personnes influentes, fussent-elles peu vertueuses. Ce qui s’offre à Eric le postier, c’est de faire partie du rêve, d’en devenir l’historien et le garant du mythe que l’objet même du culte démythifie ! Quand Canto explique qu’il ne se souvient de rien de ce que Eric n’a pas oublié, c’est le rapport à soi que Loach explore ; quand il lui dit – et que Loach montre, au ralenti – que sa plus belle action fut une passe, qu’elle signifie que c’est la confiance que tu voues à l’autre et le risque que tu prends qui te rendent meilleur – quand chacune de ces leçons se double d’une auto-dérision permanente, on ne peut qu’être touché par cette histoire-là. Il n’y a que chez Loach qu’on peut parfois justifier une larme qui vient par le rire d’avant. Tout est touchant dans ce film, cet amour vécu in absentia et retrouvé quand plus rien n’est possible sauf ce qui reste à réinventer, cette issue cabotine à l’impasse dans laquelle la famille se trouve, les enfants qui retrouvent de l’estime et de l’amour pour un père qu’ils pensaient perdu, tout.

« Je me suis pas encore remis de tes p…. de mouettes ! », dit Eric à Eric. Moi non plus. Et je ne suis pas prêt de me remettre de ce p… de film dont on sort rasséréné, avec une volonté irrépressible de remonter le col de sa chemise et de marcher d’un port altier.

 

10:33 Publié dans Blog | Lien permanent

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