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20/10/2013

Kronix (1)

Encore un stratagème: c'est Christian Chavassieux qui fera ma note, aujourd'hui. Mieux, en gentilhomme, il m'offre une suite demain. Ce qui me laisse jusqu'à mardi pour décrire le week-end incroyable que j'ai vécu ici. Là, je repars pour la deuxième représentation de "Littérature & Musique", avant de m'écrouler.

 

D'abord, il s'est agi de franchir un rempart de foule agglomérée. Dans les remugles de la promiscuité, le visiteur égaré pouvait soudain saisir la raison de cet encombrement. Une vieille tête connue. Michel Drucker, je crois, dédicaçait un livre, son livre dit-on sans rire, un objet de papier avec des signes imprimés dessus, tout à fait convenable je suppose pour toute personne qui ne lit pas mais veut serrer la paluche d'une icône de la télé, ou seulement la voir. Mon objectif étant de retrouver Laurent Cachard, je hurlai au dessus du public compacté : « Je ne veux pas voir Michel Drucker, laissez-moi passer. Je ne veux pas voir Michel Drucker, je veux voir Laurent Cachard, laissez-moi passer. » etc. Petit à petit, l'étau se desserra et je pus enfin approcher Laurent. Il était à la foire aux bestiaux du livre de Saint-Etienne, sur le stand de la librairie Quartier Latin, à la même table que Leny Escudero. On se salue. Je suis ravi de le retrouver. La foule est moins dense ici mais tout de même, nos fronts luisent, nos barbes (Laurent laisse pousser, ce qui ne lui va pas mal) transpirent. Il dédicace sa Partie de Cache-cache à une de ses anciennes élèves, pas fâchée du souvenir de son prof de français, voire plutôt reconnaissante, venue avec sa maman (j'affirme qu'il existe un lectorat féminin de Cachard, je commence à accumuler des preuves.) Une dame venue voir Leny Escudero demande où il est, nous désignons le vieillard souriant, à quelques places de là mais elle ne comprend pas, elle répète après un moment d'hésitation « Il est là, Leny Escudero ? » Il faudra que je le désigne comme « celui qui ressemble à une vieille dame, là-bas » pour que le regard de la visiteuse s'éclaire et qu'elle émette une sorte d'exclamation désolée, exprimant ainsi un mélange de plaisir (voir enfin son idole) et de déception (Mon Dieu, tu ne nous épargnes donc rien). Laurent a beau expliquer à la dame que lui est plus jeune et qu'il fera de l'usage plus longtemps, ce que je confirme, la visiteuse ne quitte pas son objectif et nous abandonne. Je renonce à tenter d'approcher Delphine Betholon ou Thomas Sandoz, découvre à côté de Laurent l'écrivain Valère Staraselski, auteur d'une biographie d'Aragon. Le placer à côté d'un nizanien était de l'inconscience, mais les deux hommes sont courtois et intelligents et tout de passe très bien. Dans la foule, une famille anonyme passe. Les enfants sont fatigués, ils réclament de l'espace, à boire, enfin qu'on arrête de piétiner comme ça au milieu d'une foule absurde. J'ai quitté Laurent pour repérer la galerie Le Réalgar où dans quelques heures, ses amis et lui se donneront en spectacle. En reprenant et en déplaçant ma voiture pour la rapprocher, je revois des lieux de ma vie étudiante. C’est émouvant. Aucune nostalgie, pas de paradis perdu, d'âge d'or, rien de tout ça, mais le constat que les lieux sont là et nous, qui les regardons, également. Des survivants. Un effet de boucle aussi (était-il nécessaire que tu pérégrines ainsi pendant des années pour revenir ici, à cette place ? Qu'as-tu fait de tout ce temps ?) et un autre constat : les lieux ont peu changé. Et nous ? Finalement, en présence de son passé, on mesure le chemin parcouru et on réalise qu'on est le même, à peu de choses près. Fatigué, renouvelé, mais foncièrement identique. Bref. Le Réalgar (nom étrange emprunté au vocabulaire de l'alchimie) est une galerie d'art dirigée par Daniel Damart qui l'a fondée en 2007, après un parcours professionnel sans rapport avec le monde artistique. L'homme s'est seulement senti un jour, las de travailler comme une brute pour des projets certes enthousiasmant, mais vides de sens. Ses goûts le portaient vers la peinture et la littérature. Il a tout arrêté pour se consacrer à sa galerie stéphanoise et depuis peu, Daniel Damart édite des nouvelles illustrées par les artistes qu'il défend. La première nouvelle publiée est le « Valse, Claudel » de Laurent Cachard, illustrée par un des nombreux complices de l'auteur, Jean-Louis Pujol. Ce dernier est exposé dans une salle attenante, tandis que Laurent, ce soir-là, s'exposait, assis derrière un micro, entouré de ses amis musiciens, devant une assemblée aussi exigeante que bienveillante. Là, il commença par offrir un cadeau exceptionnel à l'assistance... La suite demain.

18:41 Publié dans Blog | Lien permanent

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