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23/01/2010

Les serments du jeu de Bloye

DSCN8523_p.jpg2ème rencontre Lettres-Frontière hier, pour moi, 1ère « sur le sol national », m’a-t-on fait justement remarquer, dans la petite commune de Bloye, dans la Yaute - renforcée, pour l’occasion, des bibliothèques de Rumilly et, suivant les dédicaces que j’ai pu faire, d’autres bibliothèques environnantes qui me comptent désormais dans leurs rayons, à St Félix ou ailleurs. Autant de communes constituant un cercle de lecture pour qui « Tébessa » fut le coup de cœur, "unanime", m’a-t-on rajouté poliment. Une rencontre sous le signe du nombre puisque je fis face à une bonne cinquantaine de personnes, réunies dans le très chaleureux foyer rural, qui au moins n’a rien de seulement métaphorique dans le nom : un âtre bien nourri, des chaises bien disposées, une soupe au potimarron maison pour récupérer du froid de dehors et la rencontre peut commencer, sur un mode différent de celle de Sierre en décembre. Ici, on me présente et, pauvres de mes hôtes, on me laisse disserter en stand up. Je parle donc des éléments qui font que les lecteurs de Tébessa se sont attachés à ce livre : la « matière » biographique, les lieux, la voix qui s’est tue et à qui on redonne du sens. Mes hôtes m’écoutent très attentivement, il ne me semble pas percevoir d’ennui, je suis en territoire extraordinairement complaisant, mais je me bats quand même, on ne se refait pas, je parle, longtemps, rapidement, je raconte des choses qu’habituellement je ne raconte pas, sur la genèse du roman, sur le lien qui existait, sans qu’il fût identifié, entre Gérard et moi et qui maintenant existe(ra), bien après que je serai parti à mon tour. On m’a prévenu que dans la salle, certains ont « fait » l’Algérie, d’autres, avec qui je parlerai, y ont vécu une enfance dont ils se souviennent qu’elle était heureuse, avant que… Le foyer communal de Bloye est décoré de documents d’archives, de reproductions de journaux, on a même mis au pied du petit bureau derrière lequel je ne m’assoirai pas, une valise, pas en fer blanc mais règlementaire quand même, il y a des photos de ce temps-là, des enveloppes aux couleurs identiques à celles que j’ai ouvertes il y a maintenant, pfoouuh… Je parle de « ma » Croix-Rousse, je parle aussi de la distance de l’écrivain qui doit suppléer l’estomac qu’il se doit de mettre, avant toute chose, dans ce qu’il écrit. Je parle des vingt mois, maintenant, d’exploitation de ce livre-là, de ce qu’il a créé chez ceux qui l’ont lu, simplement parce que, chacun à un moment du livre, ils se sont reconnus dans une des parcelles d’humanité que Gérard a laissées. Je fais, une fois n’est pas coutume, allusion à mon métier, à ses spécificités, on se demande, comme bien souvent, comment je peux cumuler autant d’activités aussi chronophages. Je réponds en filigrane, j’aimerais que la société écoute davantage ces personnes-là qui cotiseraient volontiers pour me laisser travailler à mon écriture, exclusivement. Je me sens redevable de toute l’attention, pour ne pas dire autre chose, qu’ils m’apportent, je vois, tout autour de moi, mes camarades de promotion, on me demandera, comme à Sierre, quel a été, à moi, mon coup de cœur, je peux me protéger derrière mon décalogue mais je ne me défile pas, je dis commentDSCN8549_p.jpg je suis allé de Durif à Chavassieux, sans délaisser les autres pour autant. Je suis le 9ème auteur invité par les deux communes réunies, je me bats, encore, pour que mes réponses soient claires et donnent à ceux qui les posent – et ceux qui les écoutent – les éléments qui leur manquaient peut-être : on me demande si j’ai éprouvé le besoin d’en savoir plus, après, sur la vie réelle de celui à qui j’ai redonné vie, je réponds non (en un peu plus long…). On m’interroge sur la portée philosophique du roman, sur la distance que le personnage acquiert quand il finit par se focaliser sur le Cèdre de Liban, dernière composante de son tableau de fin, j’essaie d’expliquer que mon rapport au monde se joue aussi ici, que j’ai la lourde responsabilité – depuis enfant, il me semble – de poser un regard sur le monde plus que distancié. Inadapté jusque là, jusqu’à ce qu’on me le reconnaisse par le biais de l’écriture. Je plaisante un peu, je parle de Mauvignier et de sa « concurrence » que seule Pascale Desbruères a relativisée, j’envoie quelques vannes, il faut bien désacraliser : ce qu’il me faut, c’est être accepté comme quelqu’un parmi eux, qui sait juste faire ça, c’est tout. Ça marche, je crois. On me dira après coup que le temps a passé vite, que la soirée était très bien : tant mieux, parce que moi, je ne sais pas. Pour les autres. Pour moi, je rentre avec les immensément gentilles personnes (dont j'attends très vite un signe) qui m’ont invité à dormir chez eux, on refait un peu le monde littéraire devant une tisane et je me demande, parallèlement, ce que j’ai pu faire pour qu’il m’arrive des choses aussi sublimes d’humanité. Ça va finir par être dur, parce que si j’ai le Goncourt comme on me l’a – par plaisanterie – prédit, j’ai dit que je viendrais le fêter à Bloye. Ou que j’emmènerais tout le monde à Stockholm, il faudra voir.

Cerise suisse sur le gâteau de Savoie, en plus de la présence de mon amie (et néanmoins libraire) Martine : Eric Hostettler, que je n’attendais pas, m’a fait l'honneur de sa présence. Quelqu’un s’est dépêché d’aller chercher une guitare. Ça a donné ça, filmé abruptement. Il trouvera ça imparfait, bien sûr, mais c'est de l'émotion pure...


 

11:54 Publié dans Blog | Lien permanent

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