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11/11/2023

Aux Mangeurs d'étoiles - 10.11.2023

IMG_3163.jpgIl faudra un jour – j’en ai conscience – que les superlatifs cessent, mais j’aimerais une fois encore, une dernière, peut-être, qu’on me croie et qu’on essaie, simplement, de situer l’émotion et la beauté de la soirée que je viens de passer, aux Mangeurs d’étoiles, sublime librairie du 9e arrondissement tenue par Lionel, un ancien de l’édition, à la ligne directrice exigeante, engagée et éclectique. Lequel a bien fait de passer chez Ikea se fournir en chaises parce que les 50 de la boutique ont vite trouvé preneur et qu’il a fallu qu’une vingtaine de personnes se tiennent debout, des visages amis, des curieux, des venus pour les musiciens ou autres. J’appréhendais ce moment un peu plus que les autres parce qu’en ex-régional de l’étape, j’espérais secrètement que la librairie soit pleine, qu’on rende au libraire l’effort qu’il fait d’inviter un auteur inconnu. Avec toute la relativité du monde, parce qu’avec 30 réservations, il s’est bien demandé qui je pouvais être, ici, lui qui, dit-il d’entrée, n’est pas de Lyon. Moi j’en suis, comme mon personnage y a trouvé naissance sous la plume d’Aurelia Kreit, le groupe. On pensait que Lionel prendrait place sur la 3e chaise faisant face à l’assemblée, mais il disparaît, entre le restau d’en face, où il a réservé les tables de l’après-rencontre, et un retour par la réserve, qui laisse Daniel prendre en main l’entretien, comme il l’a fait deux jours avant. Il me fait parler – après avoir présenté les éditions du Réalgar - de la genèse, des thèmes essentiels, de la judéité, de l’identité, de l’exil, des elliptiques jardins d’Ellington, je suis évidemment intarissable sur Aurelia, son dessein, sa nature, sur la façon dont la suite s’est imposée d’elle-même, je ne croise que des regards intéressés, semble-t-il, il y a un temps suspendu pendant lequel je me dis c’est là, c’est maintenant qu’elle existe vraiment, mon héroïne. Pendant le temps, derrière, toujours un peu ailleurs, les musiciens patientent, je les présente, veut convaincre, encore, que pour moi, c’est comme si j’avais réuni Mc Cartney & Mick Jagger, trente ans (et des poussières) après, je rends à Tito, le créateur d’AK, la paternité du personnage, que je lui ai emprunté, seulement, sur lequel, par exemple, je n’ai aucun droit, surtout pas de le faire disparaître. Il s’est bien passé une heure de rencontre autour du livre, les questions passent vite, par timidité (souvent) et par envie de voir se réaliser ce que j’ai un jour, auprès d’eaux, souhaité de tous mes vœux. C’est Gérard Védèche, mon ami, mon frère, qui a endossé le costume de technicien pour apporter sono et matériel, installer les musiciens au mieux, lui pour lequel on œuvre, habituellement. Stéphane Petrier est le premier à venir, s’annonce comme intrus puisqu’il n’est pas d’AK, mais les parcours des deux groupes ne sont pas étrangers l’un à l’autre, et je lui ai demandé, spécifiquement, de venir jouer deux chansons, une du Voyage de Noz, le groupe des deux qui est resté, et il introduit le train, me sollicite là-dessus, moi qui ai filé derrière pour ne rien rater et je bafouille, n’ai rien d’autre à dire que le fait que j’aurais aimé écrire un texte pareil. S’il fallait le convaincre de ma sincérité, lui qui n’en doute pas, il y a un extrait de la chanson en dernière page du livre. Il chante, accompagné d’Eric Clapot, ancien historique des Noz, deux guitares en harmonie, ça joue bien, le texte est livré brut, avec les variations de voix pour seule progression. C’est (très) beau, ça touche comme jamais, ça y est, c’est là. Je compte sur les autres pour filmer, je ne veux même pas ciller les yeux pour ne rien rater. Il enchaine avec une surprise (pour les autres), un morceau de son futur album solo, chez Simplex Records, l’homme coupé en deux, un inédit, donc, sauf pour moi à qui il l’a envoyé quand j’étais à l’hôpital. Un morceau qui m’a porté dans ma volonté de m’en sortir et d’en débattre avec la vie, encore, dans ce qu’elle peut apporter de plus beau. Je pourrais pleurer toutes les larmes de mon corps si ce dernier ne me prévenait pas, une fois de plus, de tenir bon. Parce qu’après les deux versions du même morceau, le guitariste s’étant un poil mélangé les morceaux – prévenu la veille qu’il fallait jouer un ton en dessous – c’est Tito (Navarro) qui vient sur le tabouret pour chanter, pour la première en solo, accompagné de Nico, un clarinettiste (électrique) dont la formation classique a déjà sauté aux oreilles quand il a fait le finale des Beaux restes. Tito a toujours été en retenue, me remercie (moi ????) de lui avoir permis de faire ça et commence, d’entrée, par le cœur en croix. Les mélodies du violon sont faites à la clarinette, il a une voix moins haute qu’à l’origine, mais moins retenue qu’il y a quatre ans, je me demande si finalement, en écoutant cette chanson qu’ils m’ont dédiée à Rillieux, en 2019, si je suis vivant ou pas, si ça n’est pas une espèce de jubilé qui m’est donné. Les mots racontent Aurelia, finalement, ce que j’en ai dit après sont superflus. Il chante Refaire le trajet, le dernier morceau qu’a composé le groupe, il y a une éternité, on se demande comment une présence aussi hypnotique peut succéder à une autre aussi charismatique, mais c’est réel, je laisserai les autres le raconter, dans les années à venir. Il n’y aura eu que cinq morceaux, au total, pour ce qui était un accompagnement musical d’une rencontre – Clara ne m’en voudra pas de l’avoir mise de côté pour un soir – mais Tito confie son émotion de savoir que son héroïne à lui continue avec mes mots à moi et termine par les Jardins d’Ellington. Pour la 2e fois en quatre ans, j’ai fait se raccrocher deux pans d’une même existence à trente ans d’écart. Un peu plus, parfois, parmi les visages aimés que j’ai retrouvés. Surtout quand un faux-contact emmène Stephane à tenir le micro de Tito, et fredonner le refrain avec lui, comme en 1986, aux 24h de l'INSA... Forcément, quand on n'a pas assisté à ça, on est tenté de se demander si je n’exagère pas un peu, au final. Mais je m’en fous, je l’ai vécu, en plein, et je crois pouvoir dire que ça a été un privilège partagé. Puisque Lionel me demande un mot, encore, pour clore, je lis le passage où Aurelia et Afanasie Globa – chef du Soviet de la Courtine – échangent sur leur Ukraine natale et sur les espoirs de celui-ci de se libérer de la guerre pour rejoindre son aimée, à Ellington, en Angleterre. Peut-être sera-t-il temps pour un enfant, dit-il. Les mots de la chanson. On peut clore : j’ai vécu plus de vies que j’aurais jamais espéré en connaître.

01:32 Publié dans Blog | Lien permanent

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