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07/07/2015

Brac'.

7034_riviere_stephane_braconnier.jpgIl y a toujours quelque chose d’indécent dans les hommages, et l’homme qui est parti brutalement, dont on a appris le décès aujourd’hui, n’était pas de mes amis proches. Mais je l’ai suffisamment connu pour avoir obtenu de lui qu’un détail d’une de ses toiles figure en couverture de « la 3ème jouissance du Gros Robert ». Ce qui ne se fit pas, par ailleurs, puisque Stéphane Braconnier, c’est de lui dont il s’agit, ignorait visiblement que les droits à verser étaient rédhibitoires, pour un petit éditeur. La séance de photo fut épique, le peintre étant dans une de ses phases autodestructrices poussées qui m’ont fait me protéger de lui, alors même que son charme était irrésistible, et qu’une fois (c’est l’impression qu’il donnait), l’examen de passage passé – en l’occurrence, la lecture de « la partie de cache-cache » -  et la cérémonie du risotto entérinée, l’amitié pouvait sembler sincère et durable. Brac’, c’est surtout l’ami de mon ami, Gilles, les deux étant parfois intenables dans leurs délires paranoïaques, et Brac’, c’est un homme dont j’ai appris qu’il avait aidé son ami dans les circonstances les plus noires : ça marque la qualité d’un homme, quels que soient ses défauts. Braconnier est mort dans des circonstances qui restent à éclaircir, des conditions sordides qui illustrent la malédiction du génie : les deux faces d’un même homme, le dandy en Porsche, dresseur de chevaux, dont on dit que Madonna et Lenny Kravitz ont acheté des toiles. Est-ce vrai, est-ce faux, mais surtout, a-t-on besoin de le savoir ? L’atelier à la Préfecture, crottes de chien comprises, et le coquet studio dressé derrière. La cuisine du maître, qui savait recevoir. Sa voix douce, ses tourments immenses. Les grands formats géométriques, aux formes définies mais au mouvement sans cesse recommencé : de ces toiles qui bougent quand on les regarde et donnent l’impression que l’œil ne se posera que quand la toile aura intégré le sens. J’aurai vu quatre ou cinq fois cet homme  qui m’aura intrigué autant que je m’en serai protégé, je le répète. Mais un artiste qui s’en va, c’est un peu plus, encore, d’humanité qui se perd. Il reste son travail, puisque l’homme en a fini de ses troubles. C’est peu pour ses amis et sa famille, mais c’est beaucoup, encore, pour qui ne le connaît pas.

15:42 Publié dans Blog | Lien permanent