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27/05/2015

Ma banquière (septies).

Il a fallu briser la glace née de la fois d’avant, de la révélation douloureuse que ma banquière et moi n’étions pas un couple établi, que j’avais un rival et que, compte-tenu de la valeur de ses engagements, je ne m’en libérerais pas de sitôt. J’aurais pu, orgueilleux, chercher sur la Terre un endroit écarté où d’être sociétaire d’une autre banque on ait la liberté, mais je n’ai pas résisté. J’ai pris son mail professionnel pour un encouragement, me suis dit que dans décompte, il y avait, qui sait, l’idée que chaque jour passé sans nous écrire était pour elle une souffrance. Le dilemme inédit chez une banquière du choix qu’elle pourrait faire d’une vie inverse de celle qu’elle a menée jusque là. On troquerait le contrat HABITATION BQ 7116599 pour un voilier, on ferait le tour du monde, je lui achèterais de nouvelles robes de tennis vintage puisqu’il est acquis, depuis qu’on se connaît, que ses jupes sont courtes et ses jambes (très) longues. Tellement que quand elle croise les jambes, sur une chaise plutôt haute, ses genoux sont au niveau du mobilier et que…  J’essaie le coup de l’adresse, on n’habite pas rue Paul Valéry sans penser que, de ses lèvres avancées,
 La nourriture d'un baiser se prépare. Douceur d'être et de n'être pas. Bon, là, c’est plutôt n’être pas : elle me dit qu’on en a bientôt terminé, que mes souffrances vont bientôt s’abréger d’elles-mêmes. Elle ne pense qu’à mon aversion administrative, pas même, hélas, au fait que mes souffrances, elle les a créées elle-même le mois dernier. Alors même que je m’apprête, après avoir tout signé, à lui proposer de tout quitter, là, sur le champ, de partir au Népal et d’adopter des enfants forcément beaux puisque Népalais, elle me demande quels sont les objets de valeur que je possède, pour les assurer,  me parle, pour la première fois, d’intimité quand elle semble regretter de ne pas connaître mon intérieur pour en évaluer les richesses : mes livres, mes tableaux, j’essaie de me faire passer pour un richissime armateur qui collectionne pour blanchir de l’argent, mais je suis trahi par cette angoisse de ne pas pouvoir payer les traites : je ne choisis pas l’option offensive, je prends l’intermédiaire. Celle des bons pères de famille. D’ailleurs, vengeance ultime avant les adieux, c’est elle qui me parle de mon ex-femme, me rappelle qu’elle me sauve en me nommant conducteur occasionnel (et accompagnateur de notre fils, de fait) de sa voiture : sans cela, pour acheter mon scooter de quadra présidentiel, j’aurais dû passer par la phase jeune conducteur. C’en est trop, mais c’est classique : la voilà qui se fait détester pour que je m’éloigne d’elle. Son stratagème ne marche pas, sur moi : depuis qu’elle m’a fait promettre de rester son client, en échange d’un taux avantageux, je guette le moindre de ses messages. Le jour où elle me proposera une complémentaire retraite, je saurai qu’elle considère autrement ma proposition, jamais formulée, d’un exil commun sur mon île singulière.

18:43 Publié dans Blog | Lien permanent