Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/04/2015

Our Black & White screens.

Alison-Arngrim-634.jpgC’est vrai que Nellie Olson, quand on était plus jeune, concentrait toutes les inimitiés dont on ne se serait jamais cru capable, enfant. Cette espèce de morgue de personne bien née, pédante,  méchante, jalouse des bonheurs simples que vivaient, dans le même village, dans la prairie, ses camarades de classe. C’était pourtant la leçon de la communale, le même enseignement pour tous et, ce qui la dégoûtait encore plus, l’abolition, le temps de l’enseignement, des privilèges. On souffrait avec son père, on accablait sa mère, qui l’encourageait dans l’idée, absurde, qu’elle valait mieux que les autres. Quarante ans après, qui eût pensé que Nellie Olson rassemblerait tout ce que la ville de Lyon peut générer comme amateurs de musique, sur une péniche amarrée : il fallait avoir le pied marin et ne pas craindre la foule pour assister au concert de sortie de « We are noisy », le premier album de ladite peste, représentée in situ par quatre garçons dans le vent, que la presse locale s’échine à ramener à deux groupes mythiques de la ville, le Voyage de Noz pour son chanteur, la dénommée Aurélia Kreit pour le duo basse-batterie, plus le plus grand guitariste de la place lyonnaise, en taille au moins. Le concept de l’album, c’est de revenir au rock sourd et dur, 100% certifié Xavier Desprat, l’ingé son qu’il faut quand on enregistre un disque. Choix de l’anglais pour la quasi-totalité des titres, rupture avec l’essentialité du texte qui fait l’identité de Noz et faisait celle d’Aurélia, avant, amplis à fond au bout du bout de la Marquise et en avant : la voix, unique, de Pétrier, sa nasalité juste, les chœurs de Tito qui renvoient, parfois, aux 24h de l’INSA  1986, il y a tout et tout est en place. Mais hier, l’essentiel, si j’osais, était ailleurs ; dans la convergence de toutes ces têtes blanchies qui se reconnaissent, même quand elles ne se sont jamais parlé. Ces personnes venues de loin, dont on a suivi le parcours, plus encore, désormais, depuis qu’existe la nouvelle agora virtuelle qui permet d’être ami avec quelqu’un dont on n’a connu que les concerts, en jeune passionné, il y a très longtemps. Dans la salle bondée, sur les différents ponts du navire, impossible de ne pas croiser quelqu’un avec qui échanger quelque souvenir d’un concert ou d’une répétition publique à la mi-graine. De la vieille et toujours sublime copine de fac à l’un des nombreux ex-maris de la Baronne, tout le monde était là, et il a fallu choisir, au gré du tangage, les personnes avec qui prendre un verre à la santé de cette vieille peste de Nellie Olson, comme on l’aurait fait pour son enterrement, sauf que là, c’était l’inverse : la voilà qui nous réunit sur un faire-part de naissance, qui met fin à une ironie de trente ans d’âge, aussi : Aurélia Kreit, en tout et pour tout, n’aura laissé qu’un cassette rouge à quatre titres, et un roman à venir qui n’a jamais été aussi attendu qu’on me l’a signifié hier. Sur un mode chaleureux, avec le même plaisir, la même émotion qui a présidé, m’ont-ils dit, à leur histoire commune, à jamais mêlée avec celle de cette petite fille à la photo sépia. Qui n’aurait fait qu’une bouchée de Nellie Olson à l’école, lui aurait rappelé que dans la culture slave, la vie est courte pour ceux qui cherchent des noises. Didier Georgakakis, qui n’a jamais autant ressemblé à Philippe Pascal, Muriel Jacobi, venue spontanément me rencontrer quand je disais à Marius Beyle, à l’instant, que j’aimerais bien la voir après quelques discussions par mails interposés, la jeune fille au clavier dont je ne me souviens plus du nom (qu’elle me pardonne) qui m’interpelle quand je m’en vais, avec qui je parle de ce projet un peu fou, devenu manuscrit de cinq cents pages dans un tiroir, que je leur dois de rouvrir, dans quelques mois, une fois installé. Cette impression d’être sur la même scène qu’eux, quand eux n’y sont plus, ils m’ont offert ça, hier, et Nellie Olson, quoi qu’on en dise, a permis ça. Un groupe de quinquas qui fait du rock, qui chante une année de naissance des parents de ceux qui ont ouvert pour eux hier, a fait chavirer la Marquise, a justifié les Bank Bank par un nombre de Kiss Kiss impressionnant. Sans doute avons-nous besoin de ça ponctuellement : savoir que nous sommes toujours là et que, quel que soit l’emballage, nous sommes les mêmes. Never never never known.

09:52 Publié dans Blog | Lien permanent