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13/01/2015

Double uppercut.

J’ai vécu une année  2014 marquée par un rapport quotidien à l’écriture, doublé d’un enthousiasme permanent, illusoire, sur ce que j’étais en train d’écrire. J’ai retrouvé, à plus grande échelle, les élans qui nourrissaient l’écriture de « la partie de cache-cache », par exemple, oubliant que l’écriture de « la partie de cache-cache » m’a pris, en tout et pour tout, huit années de mon existence, dont quatre consacrées à son abandon. J’ai vécu, entre temps, la sortie de « Tébessa, 1956 », sa réussite, le fait que ce roman soit aimé partout où il a été lu. Ça m’a sans doute fait croire à quelque chose, après lequel je cours, sans savoir pourquoi. Ou sans me l’avouer. Pour « Aurélia », ce projet démentiel, il me semblait avoir tout connu, en tout cas les mêmes choses, dans un ordre différent : l’ambition, l’abandon, l’enthousiasme… J’en ai fait valider le projet officiellement, via la Bourse d’écriture, la disponibilité, dont je me suis servi pour partir sur la trace de mes personnages. J’ai pensé qu’il fallait qu’on me déroule le tapis rouge de l’édition, parce que c’était elle, parce que c’était moi, et puis, petit à petit, j’ai revu mes ambitions à la baisse : pas dans l’écriture, pas dans le travail d’édition, mais dans la diffusion, la commercialisation du livre. Des domaines dans lesquels mon éditeur n’excelle pas. Par contre, c’est un éditeur exigeant, un grand lecteur, qui repère les possibles autant que les manques. J’ai fini par lui envoyer mon manuscrit, parce que je savais qu’il m’aiderait à le transformer, qu’avec lui, le livre sortirait tel qu’il devait être, pas autrement et surtout pas avant. Il m’a répondu aujourd’hui, document de travail à l’appui, toutes réserves affichées : dans l’état, il ne sortira pas. Pas avant un immense travail, plus énorme que celui que je soupçonnais. Un travail dont il me donne – c’était important – les clés, mais pour lequel, aujourd’hui, je n’ai ni énergie, ni volonté. Heureusement, comme je marchais dans la rue après ce double uppercut, j’ai rencontré Fred Houdaer – le premier chroniqueur de Tébessa, tiens ! – qui  m’a dit les choses simples qu’on n’entend plus quand on est dans le vague. Je vais poser ce roman dans un tiroir, comme je savais que j’aurais dû le faire, attendre quoi, trois mois, essayer d’écrire quelque chose de court entre temps, ou reprendre ce que j’étais en train de faire jusqu’à ce que j’en aie assez d’écrire. Relire la façon dont Laurence Tardieu s’est sortie de son impossibilité de sortir un mot de plus. Arrêter d’être bavard et de penser que je suis essentiel. Arrêter le blog, pour un temps, n’y ajouter d’article que quand j’aurai des choses à dire, sans plus d’ambition dans l’esprit, dans la popularité. L’ad nauseam de ces derniers jours me convainc des bienfaits du silence et du travail. Mais pas tout de suite : là, je suis fatigué, de la fatigue que ressentent les écrivains quand ils ne se sentent pas désirés, comme j’en parlais avec Nicolas Couchepin. Les écrivants des ateliers que je vais animer avec lui me redonneront, j’en suis sûr, de l’énergie et de l’envie, mais là, je n’en ai plus. Plus rien. Le Cheval de Troie reviendra, parce que c’est ma vie, « Aurélia » sortira un jour, parce que c’est essentiel. Quand, où, comment, plus rien de cela n’est sûr. Mais ce sont les petites impatiences qui ruinent les grands projets, disaient  Confucius et Fergessen.  Alors, voilà, mes lecteurs (j’en ai) : je vous demande d’être aussi patient que j’apprendrai à l’être.  Et de ne pas m’oublier.

18:11 Publié dans Blog | Lien permanent